Partant du constat de l’absence de formations adéquates dans le domaine de l’investigation numérique pénale, qui requiert un fort bagage technique dans différents domaines et une veille technique constante, un certain nombre d’experts ont mis en place une formation universitaire et un congrès dédié sous l’égide de la Compagnie nationale des experts de justice en informatique et techniques associées (CNEJITA). Il s’agit du Diplôme Universitaire en Investigation Numérique Pénale à l’université de Montpellier qui se déroule en présentiel de novembre à mai et du congrès spécialisé le Printemps de l’Investigation Numérique (PIN) se tient en mai en présentiel à Montpellier et en décembre en distanciel.
Dans le cadre des investigations pénales scientifiques, l’investigation numérique pénale prend une place de plus en plus importante. Traditionnellement, l’extraction était réalisée sur des ordinateurs ou des téléphones simples. Actuellement, le nombre d’objets numériques ne cesse de croître : smartphone, tablette, objets connectés, etc.
Les experts sont de plus en plus sollicités pour des analyses très sophistiquées incluant des volumes de données de plus en plus importants. Les acteurs de l’investigation numérique sont essentiellement des enquêteurs en nouvelles technologies des forces gouvernementales (police, gendarmerie, douane…) ou des experts de justice inscrits sur les listes des cours d’appel.
Tant au niveau des forces gouvernementales que des experts de justice, ils représentent un contingent très faible par rapport aux enquêteurs et aux experts de justice en informatique d’où un manque de formations spécialisées.
Aujourd’hui la problématique est, en plus de l’extraction technologique compliquée, de mettre en lumière les éléments importants de l’enquête noyés dans un flot de données hétérogènes. Pour cela, l’expert doit se doter d’un laboratoire complet d’où un investissement important et une technicité accrue. De professionnel de l’investigation, il devient un spécialiste qui collabore et dialogue avec les juges d’instruction et/ou les enquêteurs.
Seul un partage des connaissances entre experts sous forme de compagnies spécialisées, de forum, de congrès et d’enseignements va permettre à l’investigateur de répondre aux questions posées. En effet, les techniques et outils dans ces domaines sont en perpétuelles évolutions et une formation et une mise à niveau des connaissances sont obligatoires.
Remise des diplômes du DU INP, promotion 2022-2023, le 26 mai 2022 en présence des enseignants Laurent Léger et Michel Sala
Pour ces raisons, en 2017, deux experts de justice en informatique – Jean-Arnaud Causse, ingénieur, et Michel Sala, maître de conférences en informatique – ont décidé de créer le congrès PIN (Printemps de l’Investigation Numérique) à l’université de Montpellier.
Ces actions ont pu être réalisées avec le soutien des anciens présidents de la Compagnie nationale des experts de justice en informatique et techniques associées (CNEJITA) – Fabien Cleuet et Daniel Mouly – et de son président actuel, Jean-Louis Courteaud.
Cet événement a permis de dégager des pistes de travail sur l’investigation numérique pénale et plus particulièrement la pérennisation du congrès PIN ainsi que la création d’un Diplôme Universitaire « Investigation Numérique Pénale » à la faculté de Montpellier sous la direction de Michel Sala.
Les enseignements de ce DU sont actuellement réalisés par :
Initialement, ce DU avait été créé pour combler l’absence de formation en investigation numérique pénale pour les experts nouvellement inscrits ou souhaitant se perfectionner. Mais au fil du temps, des salariés de laboratoire d’investigations numériques, des étudiants en droit pénal, des ingénieurs en informatique ou des personnes ayant de l’appétence pour cette matière se sont inscrits.
L’objectif de la formation est le suivant :
Dans la maquette pédagogique, en mai, les étudiants suivent la conférence professionnelle du Printemps de l’Investigation Numérique (PIN).
Ouverture du PIN 2022, le 24 mai 2022 avec de gauche à droite : François Mirabel (doyen de la faculté d’économie de Montpellier) ; Philippe Augé (président de l’université de Montpellier) ; Sylvain Laniel (général de gendarmerie) ; Aurélien Vitrac (juge d'instruction du tribunal judiciaire de Montpellier) ; Florian Medico (avocat au barreau de Montpellier) ; Jean-Louis Courteaud (président de la CNEJITA).
Le PIN est une conférence de deux jours en “présentiel” sur le thème de l’investigation numérique pénale, couplée aux Journées de Formation de la CNEJITA (JFC).
Les présentations, organisées par un comité scientifique dirigé par Christelle Gloeckler couvrent trois domaines :
- le domaine transverse : particularités juridiques et notamment pénales du métier d’investigateur numérique ;
- le domaine technique : problématiques, outils et techniques d'investigation numérique ;
- la veille technologique : composante indispensable du métier d’investigateur numérique.
Des questions juridiques autour de l’utilisation de dispositifs pouvant porter atteinte à la vie privée ou au secret des correspondances ont particulièrement contraint le métier de l’investigation numérique. Le PIN a été l'occasion pour plusieurs intervenants d’échanger sur ce sujet d'actualité.
Cette année, la conférence a également permis de traiter des sujets techniques comme les particularités des smartphones Apple ou le traitement automatisé des transcriptions des enregistrements audio. On rencontre particulièrement cette problématique dans les applications de messagerie telles que WhatsApp, Snapchat, etc.
La recherche de renseignements en sources ouvertes (OSINT) et plus spécifiquement du Geospatial Intelligence (GEOINT) ont été présentés par des étudiants du DU. Des exemples ont été discutés en séance permettant d'explorer le vaste domaine de l’investigation numérique.
Un spécialiste en imagerie numérique a présenté des techniques de détection d’images falsifiées ou générées par intelligence artificielle.
L’investigation numérique est en constant mouvement. La question des quantités toujours plus importantes de données à exploiter est au cœur de ce métier. Mais ce qui le rend complexe n’est pas tant la notion de quantité que la diversité des données : toujours plus d’applications, toujours plus de formats de données, toujours plus d’espaces techniques à analyser.
Un complément au PIN fait son apparition en visioconférence, permettant au plus grand nombre de profiter de ce partage de connaissances. Ce format “distanciel” devrait également voir intervenir des présentateurs d'horizons variés. Sont déjà programmées des présentations orientées cybersécurité et plusieurs retours d'expériences d'analyse complexe, par exemple dans le domaine de l'accidentologie.
Un investigateur numérique doit donc continuellement se former et comprendre les avancés techniques. Réaliser une investigation numérique nécessite une veille technologique importante. C’est un enjeu majeur qui prend tout son sens dans le domaine du numérique.
La CNEJITA via son forum d’échanges et ses journées techniques (JFC), le DU d’Investigation Numérique Pénale, la rencontre annuelle à Montpellier (PIN) et son complément en distanciel sont des outils indispensables permettant ce partage technique nécessaire à la bonne réalisation de nos expertise
Auteurs :
Jean-Arnaud Causse, ingénieur et expert près la cour d’appel de Toulouse
Jean-Louis Courteaud, président de la CNEJITA, expert près la cour d’appel d’Orléans et agréé par la Cour de cassation
Christelle Gloeckler, expert près la cour d’appel de Rennes, expert investigation numérique
Michel Sala, expert près la cour d’appel de Montpellier et maître de conférences
Nous ont fait l’honneur de leur présence
M. Gilles Hermitte, président de la cour administrative d’appel de Lyon
Mme Catherine Pautrat, première présidente de la cour d’appel de Lyon
M. Mickael Janas, président du tribunal judiciaire de Lyon
M. François-Xavier Manteaux, président du tribunal judiciaire de Saint-Étienne
M. Vincent Reynaud, président du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
M. Thierry Gardon, président du tribunal de commerce de Lyon
Me Marie-Josèphe Laurent, bâtonnière du barreau de Lyon
Nous remercions tout particulièrement de son soutien
M. Bertrand Ludes
président du Conseil national des compagnies d’experts de justice (CNCEJ)
co-organisateur de cette soirée et son conseil d’administration
Six membres de la CNEJM représentaient notre compagnie
M. Bruno Clément, président
Mme Marie-Bénédicte Chuffart, vice-présidente
M. Alain Druite, secrétaire général
Mme Danielle André, secrétaire générale adjointe
M. Philippe Bau, trésorier général
Mme Delphine Pavon, déléguée de la CNEJM pour la région lyonnaise
Grâce à l’important travail préparatoire réalisé par les membres du bureau, la soirée inaugurale de la CNEJM s’est déroulée le 25 octobre 2023 à Lyon dans une demeure d’exception ayant appartenu à Juliette Récamier. Un lieu unique – et même un peu magique – où la soixantaine de personnes présentes s’est rapidement sentie à l’aise avec l’impression d’être reçu chez Bruno Clément, chef d’orchestre de cette soirée.
Cette soirée inaugurale a rassemblé experts de justice, médiateurs et médiatrices, professionnels du monde judiciaire et administratif dans un esprit convivial favorable à l’échange et à la rencontre. L’esprit de la médiation s’accordait parfaitement à l’harmonie de ce lieu raffiné !
Réunissant un large panel de personnalités du monde judiciaire, cet événement a contribué à mettre en relief la dimension nationale de la CNEJM et à valoriser la place privilégiée des experts de justice – formés à la médiation et médiateurs – dans le processus de médiation. Les prises de paroles et des propos tenus au cours de cette soirée ont souligné la volonté de l’ensemble du monde juridique de se mobiliser autour de la médiation et de promouvoir le recours aux MARD.
Bruno Clément, président de la CNEJM, a salué l’énergie et la motivation de la poignée d’experts qui a créé la CEJML à Lyon le 21 octobre 2021, puis a énoncé les objectifs poursuivis par sa compagnie. « Que ce soit dans un cadre judiciaire ou conventionnel, le rôle du médiateur est d’instaurer un climat de confiance et de mettre tout en œuvre pour que le dialogue soit renoué. Les experts s’intéressent à la médiation car ils sont par mission impliqués dans le conflit qui opposent les parties, ils ont connaissance des enjeux techniques et juridiques ainsi que l’expérience des réunions conflictuelles. »
Marie-Bénédicte Chuffart, vice-présidente de la CNEJM, a rendu hommage à la patience et l’obstination de ceux qui ont œuvré depuis quatre ans pour la création de la CNEJM et plus particulièrement à Didier Faury, président d’honneur et de la Commission médiation du CNCEJ. « Les experts – qui peuvent se sentir oubliés dans la construction de la justice amiable en France – ont désormais un vecteur pour les représenter et porter leurs actions ainsi que leur voix avec cette compagnie qui regroupe exclusivement des experts judiciaires formés à la médiation. » Marie-Bénédicte Chuffart a ensuite parlé des retours d’expérience de ses médiations en soulignant « qu’il ne faut pas confondre l’expert et le médiateur car chaque rôle est exclusif de l’autre par nature, par contexte » et a évoqué l’ordonnance mixte désignant un expert et un médiateur avec des missions spécifiques pour chacun d’eux, un processus contributif d’un règlement rapide des différends. La vice-présidente a insisté sur la nécessaire formation à la médiation en mentionnant la formation adaptée pour les experts que la CNEJM a prévu de développer.
Après avoir cité les textes qui encadrent la médiation depuis 2016, Gilles Hermitte, président de la cour administrative d’appel de Lyon, a expliqué que les intérêts de la médiation sont surtout qualitatifs car elle permet aux justiciables de résoudre un litige rapidement avec un coût maîtrisé. Le magistrat a également insisté sur la différenciation nécessaire entre le médiateur et l’expert qui ne peuvent être la même personne. Il a souligné par ailleurs le choix judicieux et pertinent pour l’expert de devenir médiateur car il a la connaissance de la justice administrative. Même si l’expert ne fait pas de droit, il est sensibilisé aux enjeux du droit dans le litige et est compétent pour interroger le conflit sur le plan technique. En guise de conclusion, Gilles Hermitte s’est comparé à une fée bienveillante se penchant sur le berceau de la CNEJM en lui souhaitant le meilleur !
Catherine Pautrat, première présidente de la cour d’appel de Lyon, a constaté que l’acceptation des modes amiables progresse rapidement en France. « La médiation a pris corps dans la culture du Nord, une culture anglo-saxonne, en opposition avec la culture du Sud, monde continental de culture belliqueuse dont le but est de faire “rendre gorge. » La réponse n’appartient pas à la seule affirmation de la règle de droit mais développer la médiation est difficile car il y a toujours une bonne raison pour ne pas aller en médiation : c’est du travail supplémentaire pour les greffes ; les avocats ne sont pas toujours enclins à convaincre leur client de ne pas suivre la voie contentieuse ; certaines parties veulent gagner du temps ; la médiation est dévalorisée étant perçue comme une justice au rabais, une voie de sortie pour libérer les placards des tribunaux ou encore, un effet de mode destiné à passer. La magistrate a dépeint sa stratégie pour promouvoir la médiation avec tout d’abord l’encerclement : « la médiation doit être partout et ce depuis le plus jeune âge, la médiation doit être développée par les recteurs d’académie pour que les enfants se familiarisent dès la maternelle avec la culture de l’amiable. Ensuite, il faut former, motiver, concerner les notaires, les commissaires de justice, les magistrats, les avocats et bien sûr les experts afin de créer une petite musique permanente qui résonne aux oreilles de tous. » Le deuxième axe est la réglementation. Depuis le 1er novembre 2023, deux nouveaux outils permettent de régler à l’amiable les litiges après saisine du tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable (ARA) et la césure. « Les juges font acte de médiation mais des difficultés peuvent survenir si les juges ne sont pas formés. L’École nationale de la magistrature (ENM) propose donc une formation aux outils et à la technique de la médiation. » Le troisième axe est l’incitatif « en revalorisant, par exemple, l’aide juridictionnelle dans le cadre d’une médiation, la médiation acquière la même noblesse que le jugement contentieux. Il faut inciter les avocats à ce que leurs conventions d’honoraires mentionnent le coût des honoraires pour les modes amiables. Il faut faire évoluer les mentalités, c’est un enjeu de société ! »
Bertrand Ludes, président du CNCEJ, a observé que la CNEJM poursuit la métamorphose de sa dimension locale vers sa structuration nationale avec des délégations territoriales. « L’enjeu est de taille. En France, voire en Europe, les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) progressent pas à pas. Il est important de faire reconnaître les valeurs d’indépendance et de probité qui sont inhérentes aux experts et qui sont des valeurs particulièrement pertinentes pour les médiateurs. » Bertrand Ludes a tenu à saluer la persévérance de Didier Faury qui « en tant qu’infatigable promoteur des MARD, a créé la commission médiation dès 2019, a fédéré des bonnes volontés, a assuré la veille réglementaire et juridique relative à la médiation et a convaincu des experts judiciaires à devenir médiateurs. »