Intérêt personnel
Sur les conclusions à fin de non lieu : Considérant que la circonstance que l'expert désigné par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 23 juin 1995 ait déposé son rapport le 5 juin 1996 ne rend pas sans objet l'appel formé par la S.N.C. Cannes-Midi contre le jugement du 18 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant, à titre principal à ce que soit prononcé la récusation dudit expert en application des dispositions de l'article R. 163 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à titre subsidiaire à ce qu'il soit remplacé sur le fondement de l'article R. 161 du même code ; Sur la demande de récusation : Considérant qu'aux termes de l'article R. 163 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les experts peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges… La partie qui entend récuser l'expert doit le faire devant la juridiction qui a commis ce dernier avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation…" ; qu'aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'organisation judiciaire, applicable devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel en vertu de l'article L.5 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d'un juge peut être demandée : 1°) Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation… 4°) s'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint… 5°) S'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties… 8°) S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties." ; Considérant que la circonstance que l'expert serait le président fondateur d'une association de défense de l'environnement de Saint Jean Cap Ferrat dite "L'Olivier", alors qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que ce groupement entretiendrait des liens avec l'association d'information et de défense de Cannes (AIDC) partie en litige avec la requérante, n'est pas en soi de nature à démontrer que cet expert aurait un intérêt personnel à la contestation au sens du 1°) précité de l'article L. 731-1 ; que, de même, la seule circonstance que l'intéressé avait été préalablement chargé d'une mission d'expertise dans le cadre de l'information ouverte à l'encontre de la S.N.C. Cannes Midi, sur initiative de l'AIDC, pour infraction à la réglementation de l'urbanisme ne permet pas de le regarder comme ayant eu à connaître de l'affaire au sens du 5°) de ce même article ; que, par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que des liens d'amitié notoire existeraient entre l'expert et l'une des parties en litige au sens du 8°) de cet article ; qu'enfin si l'expert a présenté des observations en première instance, sur invitation du tribunal, et assorti celles-ci d'une demande dirigée contre la société requérante au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel cette production n'est pas de nature à la faire regarder comme en procès avec ladite société Cannes-Midi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande principale tendant à la récusation de l'expert ; Sur la demande de remplacement : Considérant qu'aux termes de l'article R. 161 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "… L'expert qui, après avoir accepté sa mission, ne la remplit pas et celui qui ne dépose pas son rapport dans le délai fixé par la décision peuvent, après avoir été entendus par le tribunal, être condamnés à tous les frais frustratoires et à des dommages-intérêts. L'expert est en outre remplacé, s'il y a lieu." ; qu'il résulte de ces dispositions que l'opportunité du remplacement d'un expert relève du pouvoir d'appréciation du tribunal administratif et échappe au contrôle du juge d'appel ; que, par suite, la société ne peut utilement critiquer le jugement attaqué en ce qu'il rejette ses conclusions subsidiaires tendant au remplacement de l'expert ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par la S.N.C. Cannes-Midi ne peut qu'être rejetée. Cour Administrative d'appel de Lyon, 8 juillet 1997, n° 96ly01610 L'arrêt rapporté présente de multiples intérêts. Il se prononce d'abord sur la nécessité ou non qu'a une cour administrative d'appel à statuer sur l'appel d'un jugement de tribunal administratif ayant rejeté une demande de récusation d'un expert lorsqu'entre temps ledit expert a déposé son rapport. Une telle situation "ne rend pas sans objet l'appel" déclare, un peu laconiquement la cour. Nous ne pouvons qu'approuver la solution : en cas d'infirmation du jugement et d'admission de la récusation, il nous paraît que la conséquence serait l'annulation de l'expertise. Par définition en effet, l'expert serait réputé n'avoir pas exécuté sa mission avec impartialité. La cour administrative d'appel se prononce dans le même sens sur une demande subsidiaire de remplacement. Là, nous considérons au contraire que la demande devient sans objet lorsque l'expert a déposé son rapport. Comment en effet "remplacer" un expert qui a achevé sa mission ? La décision de la cour administrative d'appel n'est pas non plus convaincante lorsque, se prononçant au fond sur la demande de remplacement de l'expert, elle estime que "l'opportunité" du remplacement d'un expert relève du pouvoir d'appréciation du tribunal administratif et échappe au contrôle du juge d'appel". La cour administrative d'appel n'a pas en effet un simple "contrôle" des décisions des tribunaux administratifs, mais connaît, elle aussi, de l'entier litige. Dernier point sur lequel, la cour administrative d'appel de Lyon se prononçait, le problème de la récusation d'un expert. Les causes de récusation des experts en matière administrative (article R. 163 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel) sont les mêmes que celles des experts en matière civile (article 234 du code de procédure civile) : les mêmes causes que pour les juges (article 341 du code de procédure civile). L'énumération que fait ce texte est limitative et ses cas sont d'interprétation stricte. Quatre causes étaient alléguées en l'espèce : • Intérêt personnel à la contestation. L'expert était président fondateur d'une association de défense de l'environnement et l'adversaire de la demanderesse à la récusation était une autre association de défense de l'environnement. Compte tenu de ce qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les deux associations auraient eu des liens entre elles, la cour écarte, à bon droit selon nous, le moyen. • Connaissance antérieure comme juge, arbitre ou conseil. L'expert avait, préalablement, été chargé d'une autre mission d'expertise dans le cadre d'une information ouverte contre la demanderesse à la récusation. Ici encore, la cour écarte, justement le moyen. Un expert doit, par définition, être neutre. Avoir été chargé d'une mission d'expertise - même pénale - ne saurait en rien être assimilé à une connaissance antérieure de l'affaire comme juge, arbitre ou conseil. • Amitié notoire entre l'expert et l'une des parties. Rien à signaler sur ce point qui ne souffrait guère de difficultés. Procès avec l'une des parties. L'expert avait été appelé à "présenter des observations en première instance sur la demande du tribunal" et avait "assorti celles-ci d'une demande dirigée contre" la demanderesse à la récusation en paiement de frais irrépétibles. Il ne peut être fait droit à une telle demande, en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qu'à l'encontre de "la partie perdante". C'est dire qu'en formulant sa demande, l'expert -peut-être irrité par l'attitude de cette partie, mais cela importe peu- la considérait peu ou prou comme une partie adverse. Nous pensons pour notre part qu'il aurait dans cette hypothèse été préférable de faire droit à la demande de récusation sur ce fondement.
Articles connexes sur le même thème